ANECDOTE I ♦♦ Ce doit être, plus que probablement, mon tout premier souvenir d'enfance. J'avais cinq ans, et je ne le saurai pas exactement si je ne savais pas quel âge elle avait. Je m'étais couchée tôt la veille, et j'avais, comme d'habitude, eu une nuit plutôt paisible. Ce matin-là, ce fut ma grand-mère qui vint me réveiller. Une femme très aimante, qui sentait bon et qui faisait toujours mes gâteaux préférés. Elle avait un large sourire aux lèvres alors que j'émergeais doucement de mon rêve de petite fille. Et là, la sentence tomba...
GRAND-MÈRE ♦ « Elle est là. Ta petite sœur est née, Charlie... »
Allez savoir pourquoi, à l'époque, ma famille préférait déjà m'appeler par mon second prénom plutôt que par le premier. Sarah... trop classique, c'est ce que j'avais toujours pensé. Toujours était-il que je n'avais pas tiqué à la manière dont elle m'avait prénommée, mais que j'avais ouvert de grands yeux ronds face à la mère de mon père.
CHARLIE ♦ « Mais... mais... déjà? Je pensais qu'elle resterait dans le ventre de ma maman moi! »
Elle avait ri doucement, et avait déposé un doux baiser sur mon front, n'y prêtant pas plus attention que cela. Elle m'avait fait lever et petit déjeuner rapidement. J'avais pris une douche rapide, et je me rappelle qu'elle m'avait habillée avec une jolie robe, histoire que je sois présentable, sûrement. Puis, nous étions parties pour la maternité, où nous devions rejoindre ma famille. J'étais paniquée. Honnêtement, je n'avais jamais émis le souhait de devenir grande sœur, et on m'avait mise devant le fait accompli. Que mes parents ne m'aient rien demandé avant, passait encore. Mais que je l'apprenne en même temps que tout le reste de la famille, lors d'un barbecue annuel avait été plus douloureux. À l'époque, je ne comprenais pas trop cela. Mais au fil des années, je me disais que c'était sûrement l'une des nombreuses raisons qui ont préparé ce qu'il s'est passé à l'hôpital.
Ma grand-mère et moi arrivions, et dès mon entrée dans ma chambre, on me colla le poupon dans les bras. Je le regardais, grimaçais, et le fourrais très rapidement dans les bras de mon père, qui eut juste le temps de le rattraper avant que je ne le lâche. Et là, je hurlais...
CHARLIE ♦ « JE NE VEUX PAS DE PETITE SŒUR! JE VEUX QU'ON LA DONNE! »
Mes parents étaient interloqués, ma grand-mère, au bord des larmes. Le bébé se mit à hurler à son tour tandis que je me mettais à pleurer comme la gamine que j'étais, pour ensuite m'enfuir dans les couloirs. Voilà comment je me mis à haïr ma propre sœur pour des années...
ANECDOTE II ♦♦PSYCHOLOGUE ♦ « Alors, Sarah? Comment vas-tu aujourd'hui? »
CHARLIE ♦ « Moi, c'est Charlie. Pas Sarah. Sarah, c'est moche, trop classique. Et je vais bien! Il faudra que je vous le dise combien de fois? C'est mes parents qui ont pété un plomb, pas moi. »
Il soupira doucement, et nota tout ce que je disais sur un papier, comme d'habitude. J'avais onze ans. J'étais devenue rebelle, et j'en faisais voir de toutes les couleurs à Gemma, ma petite sœur. Je n'avais jamais su l'accepter, au grand désespoir de mes parents. Petite, lorsqu'elle pleurait la nuit pour boire, je me mettais à hurler pour que l'on me prête de l'attention à moi aussi. Puis, je m'étais mise à la barbouiller de maquillage, ou à l'amener souvent trop près d'objets dangereux, allant même jusqu'à lui piquer son Doudou que j'avais enterré dans le fond du jardin, un an auparavant. Ce qui m'avait menée ici, face à ce type qui répétait toujours les mêmes questions alors que, vraiment, je me calmais. Ca faisait plusieurs mois que je ne lui avais plus rien fait, mais il s'obstinait... et ça me rendait complètement dingue!
PSYCHOLOGUE ♦ « Tes parents m'ont dit que tu t'en sortais mieux. Que tu ne faisais plus rien à Gemma. »
CHARLIE ♦ « C'est pas elle le problème. »
PSYCHOLOGUE ♦ « Qui est-ce alors? »
CHARLIE ♦ « J'en sais rien. J'étais en colère contre elle au départ, parce que personne ne m'avait prévenue... je savais même pas à quoi elle ressemblerait. J'ai eu peur. »
PSYCHOLOGUE ♦ « Tes parents ne t'ont jamais expliqué comment tu pouvais te préparer à son arrivée? »
CHARLIE ♦ « Nan. J'avais juste vu de loin la photo du bébé dans son ventre, quand elle l'a montré à Marraine. C'est tout. »
PSYCHOLOGUE ♦ « Donc, quand tu l'as vue, tu as paniqué, c'est ça? »
CHARLIE ♦ « Je ne sais plus. Juste que je comprenais pas pourquoi elle était là. Ils m'ont jamais rien dit, je me rappelle même pas comment j'ai su qu'elle allait arriver. J'aime bien Gemma, c'est pas ça le problème. Surtout depuis qu'elle crie plus la nuit. »
Il nota une nouvelle fois tout ce que je lui disais, et de ce que je me rappelle, je n'ai rien dit de plus. Le lendemain, il rencontra mes parents, et visiblement, ceux-ci comprirent que l'erreur venait d'eux à la base. C'est comme ça que, doucement, j'avais commencé à me rapprocher de Gemma pour me faire pardonner. Chose qui fut loin d'être évidente.
ANECDOTE III ♦♦ Seize ans. Qui ne rêve pas d'atteindre cet âge après tout? Le début de l'âge adulte, la fin de l'adolescence, la fin du lycée qui approche de plus en plus... tout le monde voulait y être! Et bien évidemment, je faisais partie de ces personnes. Sauf que je devais passer ma journée enfermée dans ma chambre. En quel honneur? Pour la simple et bonne raison que pour la première fois de ma vie, j'avais des examens à repasser en septembre et que ça, ça ne passait définitivement à mes parents.
Et voilà donc que j'étais allongée, en ce 3 juillet, jour de mes seize ans, dans mon lit sans rien pouvoir faire. J'étais inconsolable, mais je savais que j'étais responsable de ma situation. Je n'étais pas stupide. Simplement, je n'avais pas daigné ouvrir un seul de mes cours de l'année et malgré les avertissements de ma famille, voilà où j'en étais arrivée. Je soupirais à travers mes larmes, et me retournais sur le dos, lorsque quelques coups furent frappés à la porte.
La porte s'ouvrit doucement sur ma... petite sœur. J'avais tenté de me rapprocher de Gemma longuement, en vain. Bien sûr, ce n'était plus la guerre, mais je n'arrivais pas à avoir la relation que j'aurais voulue avec elle. Je me redressais sur mon lit, séchant mes larmes, et lui faisais signe de venir, alors qu'elle restait coincée dans la petite ouverture de ma porte. Cela la décida, et, refermant la porte derrière elle, elle vint me rejoindre sur mon lit, un petit cadeau à la main.
GEMMA ♦ « Bon anniversaire Charlie... c'est pas beaucoup, mais j'avais pas de sous. »
Elle me tendit le petit paquet, et j'en restais bouche bée. C'était la première fois qu'elle m'offrait un cadeau, et j'en étais touchée. Je déposais un bisou sur la joue de ma sœur, et j'ouvris le cadeau qu'elle m'avait remis. Un disque. D'un groupe que j'aimais beaucoup depuis plusieurs mois. J'attirais ma petite sœur de onze ans dans mes bras, et la serrais doucement contre moi. Et là, pour la première fois, cela sortit.
CHARLIE ♦ « Je suis désolée Gemma... j'ai été une horrible grande sœur. Mais je te promets de me rattraper. »
ANECDOTE IV ♦♦ Londres. Ville magnifique... ville de tous mes rêves, et ville où je pouvais enfin prendre mon envol. J'avais terminé le lycée en juin de l'année passée, et je commençais l'université. Les cours étaient longs, probablement plus chiants que je ne l'aurais cru, mais j'étais décidée : un jour, je serais une grande avocate. Et j'y arriverais.
J'étais plongée dans mes notes, que je tentais de recopier au propre, lorsque je vis que quelqu'un s'installait face à moi. Je levais les yeux, et tombais sur un homme... wow. Ouais, un homme, un vrai. Un comme on en imagine toujours, comme on veut absolument. À première vue, grand déjà. Un visage masculin, mais un beau sourire. Que je lui rendis de suite... je me redressais finalement pour lui faire face.
CAESAR ♦ « Salut. J'espère que ça te dérange pas que je m'installe là... je suis Caesar. »
CHARLIE ♦ « Non, pas de souci. Enchantée, je suis Charlie. »
Et voilà comment je le rencontrais. Celui que je considère toujours aujourd'hui comme l'homme de ma vie. Au début, c'était simple. Notre premier baiser vint très naturellement quelques jours plus tard, après une soirée passée ensemble. Le courant passait bien. On avait pas mal d'intérêts en commun, et il me plaisait. Vraiment. Les choses suivirent leur cours, comme dans chacun des couples. Ce fut tout rose deux mois, tout au plus. Jusqu'à un soir où j'avais découvert qu'il s'amusait probablement un peu trop lorsqu'il était avec ses potes et sans moi. Avec d'autres filles...
CAESAR ♦ « Nan, mais... laisse-moi t'exliquer Charlie! »
CHARLIE ♦ « Des explications? Qu'est-ce que tu vas m'inventer de toute manière? Que c'est l'alcool? C'est toujours l'alcool! Vos excuses, elles se ressemblent toutes! Elles sont bidons! »
CAESAR ♦ « Non, écoute-moi! Je suis désolé mais... je suis pas prêt pour un truc sérieux... »
J'étais restée bouche bée, et il s'était pris une claque sans que je ne me rende compte de ce que je faisais. J'étais tombée amoureuse de lui, rapidement. Et lui, ne voulait pas de relation sérieuse... seulement, l'amour rend con et aveugle. Et voilà pourquoi quatre ans durant, notre relation ne fut que séparations, remises ensemble, disputes, cris, pleurs, et tout ce qui va avec. Une relation qui ne pouvait pas fonctionner...
ANECDOTE V ♦♦ Quatre ans donc. Quatre longues années qui ne furent que disputes et réconciliations. Beaucoup diraient que j'étais tout simplement stupide de rester avec lui, mais j'étais amoureuse, et pas qu'un peu. Ce mec, je l'avais dans la peau depuis la première fois que je l'avais vu, dans cette cafétéria. Mais je n'en pouvais plus. J'avais donné, et à force de déceptions, je me demandais encore ce que je fichais là, coincée dans une relation qui ne fonctionnait pas. Il avait été jusqu'à me tromper à plusieurs reprises, et ça... ça passait beaucoup moins bien.
CHARLIE ♦ « J'en ai marre, j'en peux plus! »
CAESAR ♦ « Charlie... je suis désolé! »
CHARLIE ♦ « Comme la dernière fois, et comme la fois d'avant! Je ne compte même plus de toute façon... »
CAESAR ♦ « S'il te plaît! Je te promets, je merdrai plus! »
CHARLIE ♦ « Tu sais très bien que là, tu mens! Tu me ressors toujours la même chose, à savoir "Je suis pas prêt pour une relation sérieuse", "Je suis désolé, c'est la dernière fois que ça arrive!", "Laisse-moi une autre chance Charlie!", mais non, j'en ai par-dessus la tête si tu veux tout savoir! J'en ai marre! Ca me fatigue, je souffre Caesar! Tu peux comprendre ça?! J'ai mal bordel! J'ai mal à chaque fois que je sens que tu foires, avant même de la savoir. C'est dur! Trop... »
CAESAR ♦ « Charlie... une dernière fois... »
CHARLIE ♦ « Non. Ca me tue mais... non! Ca suffit! J'ai trop fait les frais de ton manque de confiance et de ta non possibilité d'avoir une relation sérieuse! C'est tout ce que je te demande, Caesar! Une relation normale et stable! T'es pas capable de me la donner depuis quatre ans... moi, j'en peux plus! J'ai beau t'aimer, je ne peux plus tout accepter. C'est fini. Tu m'entends? Fini! »
Et voilà comment notre histoire s'était terminée. J'étais dingue de lui, oui, mais l'accumulation de tout m'avait fait prendre la décision de stopper les frais et de le quitter. J'avais continué tranquillement mes études, me forçant à garder le nez là-dedans et à ne pas regarder derrière moi ce que Caesar faisait. Je me forçais à ne rien savoir, à ne pas voir ce qu'il devenait, s'il regrettait ou si, au contraire, il passait à autre chose. C'est célibataire et le cœur meurtri que j'avais terminé mes études, un an plus tard. Et que j'étais entrée dans un grand cabinet d'avocats pour faire mon dernier stage qui m'accorderait le statut que je voulais depuis très longtemps.
ANECDOTE VI ♦♦ Et me voilà ici, aujourd'hui. Tulum, lieu où les choses devraient s'arranger, où l'on devrait être heureux. Mouais. Ils en avaient des bonnes eux. Au moins, nous avions fait un pas. J'avais revu Caesar ici, quelques jours auparavant. On s'était finalement contactés, et si je ne pouvais pas l'oublier, je m'étais aperçue qu'il en était de même pour lui. Voilà donc pourquoi nous avions repris contact.
Un matin, un café, sur la terrasse d'un restaurant. Voilà où nous nous étions retrouvés. J'étais arrivée, complètement retournée, une boule dans l'estomac à me demander ce qui nous attendait. Il était déjà là, toujours aussi beau que dans mes souvenirs. Je triturais mes mains en avançant vers lui, et il m'adressa un léger sourire qu'il m'avait rendu. Après nous être fait la bise, nous nous étions assis, et j'avais commandé rapidement de quoi booster un peu ma journée.
CAESAR ♦ « Wow... ça fait longtemps. »
CHARLIE ♦ « Ouais. Deux ans... »
C'était d'une banalité effarante, mais au bout de quelques phrases, nous reprenions pied dans notre relation. Évidemment, pas la même que nous avions entretenue pendant quatre ans, mais avant d'être en couple, nous étions amis. Nous nous entendions très bien sur de nombreux sujets, et il nous était très souvent arrivé de parler de tout et de rien pendant un moment. Seulement, le moment fatidique arriva. Nous devions parler de nous, de ce qui nous avait fait casser notre couple. C'était, quelque part, pour ça que nous étions là.
CAESAR ♦ « Écoute... si j'ai repris contact, c'est parce que tu me manques. J'ai jamais pu oublier. »
CHARLIE ♦ « J'ai jamais pu passer à autre chose non plus... mais je suis pas prête à te refaire confiance. J'ai plus envie de souffrir. »
CAESAR ♦ « Je sais. Je comprends. Mais laisse-moi cette chance... de te prouver qu'il y a moyen. »
CHARLIE ♦ « Écoute... on ne se remet pas ensemble. Je ne veux pas. Ca a été trop dur ces quatre années pour moi, et tu le sais. Je veux bien te laisser une dernière chance. Mais va falloir que tu te bouges pour me prouver que tu le veux vraiment. »
CAESAR ♦ « J'y arriverai, Charlie... »
CHARLIE ♦ « On verra. Mais sache qu'à la moindre erreur, je coupe les ponts. C'est fini. Tu n'entendras plus jamais parler de moi... »
Voilà où nous en étions arrivés, il y a seulement quelques jours. Nous nous revoyions, mais il ne se passait plus rien. Nous n'étions pas en couple... quelque part, c'est de l'attente. Je voulais qu'il me prouve que, réellement, il voulait être avec moi. Qu'il ne merdrait plus comme il l'avait fait durant quatre ans. Que cette fois, il allait m'être fidèle et qu'il s'investirait dans une relation comme je la voulais. Et je me disais que, déjà, le fait qu'il ait repris contact avec moi était un grand pas. Et j'espérais franchement que très bientôt, je pourrais me remettre à sourire pour de bon grâce à lui...
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