Tic, toc, tic, toc…Le rythme effréné de cette grande horloge me rendait décidément dingue. La main droite portée à la commissure de mes lèvres, je me rongeai les ongles sans grande attention. L’autre main était posée sur mon ventre. Je le caressai lentement, comme si je tentai de
le rassurer. Je sentis, quelques secondes après, une petite larme au coin de mes yeux. Je soupirai.
« Mademoiselle… Nirvana Vénus Jenkins ? » Mon cœur eut un raté. Je me levai avec mal, puis me tourna vers la femme, vêtue d’une petite jupe courte et d’un chemisier blanc.
« C’est moi. » Je tentais de prendre de l’assurance. En vain. Comme si elle avait déjà passé par là, la dame posa une main sur mon dos pour me conduire devant une porte. La porte.
Je pris une grande bouffée d’air et, les yeux brouillés par les larmes, j’entrai dans la pièce.
« Courage, mademoiselle. » Chancelante, je tenais toujours mon ventre, tandis que je m’approchai du siège. En face de moi, un jeune homme. Il devait avoir trente six ans. J’avais toujours eu ce don pour deviner l’âge. Il s’appelait Williams Oxburry, et son sourire apaisant calma ma panique.
« Du calme, Nirvana. Tout va bien se passer. » Ceci dit, je fondis en larmes. Il se leva précipitamment et contourna son bureau pour venir près de moi, me lever et me prendre dans ses bras. Et ce fut dans les bras de cet inconnu que j’éclatai en sanglots, prise par la peur, l’angoisse, la panique, et la honte. Oui, j’avais honte de tuer ce petit être. Il n’avait tellement rien demandé…
« AAAAH ! » Un cri strident retentit dans la chambre. Raphaël se redressa et sous son regard, je fondis en larmes. Mon Dieu… Mon Dieu ! Ce souvenir était tellement noir. C’était tellement horrible, tellement dur pour moi ! Ses bras musclés s’enroulèrent autour de moi. Il me serra fort, me berçant de droite à gauche, au rythme de son battement de cœur. Le mien était trop rapide. Je suffoquai, puis repris mon calme.
« C’est finit, ma belle. Doucement… Je t’aime. Tu entends comme je t’aime ? » A ces mots, il prit ma main et la posa à la place de son cœur. Je pus entendre les battements de son cœur.
« Je suis là, mon amour. Rendors-toi. Tout est fini. » Oui. Tout était fini. Le bonheur que j’aurais pu vivre avait été brisé en milles morceaux. Pourquoi ? Pourquoi s’attaquer à ce petit être ? Il n’avait rien demandé ! Rien du tout !
« Mais je l’ai tué, Raphaël ! Je l’ai tué ! Il est mort ! Je ne peux pas… Je ne peux plus être heureuse ! Plus après ça ! » Il baissa les yeux, resserrant plus fort l’étreinte qu’il formait autour de moi.
« Ce n’est pas de ta faute Nirvana. C’est ton corps qui n’a pas pu supporter ça. Il est mort seul, mon amour. Ce n’est pas à cause de toi. … S’il te plait… » Il me suppliait, à présent. Je savais qu’il n’aimait pas qu’on parle de ça. Mais comme toutes les nuits, c’était le même train-train. Pas une seule journée où je ne cessais de penser à ce bonheur perdu. Pas une journée où je n’avais pas de rancœur envers moi-même. Envers ce foutu corps pas assez résistant !
De nouveau, mes yeux se brouillèrent par les larmes. Raphaël finit par m’attirer contre lui. Il m’embrassa longuement. Un baiser d’amour. Des plus apaisants. Je repris doucement ma respiration, puis me glissa sous les couettes. Ma tête posée contre le torse de cet homme. Si incroyable, si compréhensible et si intentionnée. Il ne me mérite pas. Il ne mérite pas de vivre cet enfer.
Je m’en veux tellement.
« Nirvana ! Putain, Nirvana, t’étais où bordel ?! J’t’ai cherché partout… Pourquoi tu traînes dans ce bar ?! Merde, Nirva’ ! Tu pus l’alcool ! » Mon sourire niais était figé sur mon visage. Je le regardai, avant d’éclater de rire. Il me prit brutalement le bras, les sourcils froncés, puis me descendit du tabouret, m’arrachant à ma énième bière et au groupe de personnes avec qui je trainais depuis deux mois. Bientôt, nous fûmes sortis du bar. Il me plaqua contre un mur. Je cessais de sourire. Le vent frais me faisait du bien. Bientôt, je grelottai. Mes épaules nues me rendaient frileuses. Il ne put s’empêcher de se poser contre moi, pour m’enlacer. Bah oui, il n’allait pas me laisser mourir de froid. Raphaël glissa quelques mots à mon oreille. «
Tu m’avais promis, Nirvana… J’t’ai dis d’arrêter tes conneries, et tu me l’as promis ! Apparemment, j’peux pas te faire confiance… Je te préviens. Tu recommences une fois et je péte vraiment un câble. Faut savoir tourner la page. Vie, merde ! Arrête de te morfondre dans l’alcool ! »J’étais incapable de répondre. La raison revenait à moi. Je finis par gémir, en proie à une migraine incontrôlable. Il me porta sur son dos, tandis que j’enroulai mes bras flasques contre son torse.
A mon réveil, il était là. Réveillé avant moi, comme toujours. J’étais vêtue d’une petite chemisette en soie. Automatiquement, ma première réaction fut de se coller à lui.
« Excuse-moi… J’aimerais tellement que ce cauchemar se finisse… » Il ferma les yeux, ne bougea pas.
« Il recommence. Et c’est de ta faute, Nirvana. » De longues minutes s’écoulèrent. Je restai silencieuse, incapable de répondre. Il finit par se retourner. Plaquant ses lèvres contre les miennes, il me serra contre lui.
« Mais je t’aime. Et c’est ça qui me rend dingue. Tu me fais vivre un cauchemar, mais je t’aime. Je t’aime comme un fou ! »